Décryptage

La production de vêtements en Europe est-elle nécessairement éthique?

Nadia | 25/04/2021

En novembre 2017 a été publié un nouveau rapport « Made in Europe » de la campagne Clean Clothes qui met en avant les salaires extrêmement bas et les conditions de travail dramatiques dans l’industrie textile en Europe centrale et en Europe de l’Est. Les marques voient ce système de bas salaires comme un avantage et profitent largement des employés. Les consommateurs se sentent souvent rassurés par la mention « Made in Europe » en pensant que le processus de fabrication est éthique alors que la réalité est tout autre. En effet, les sweatshop existent aussi en Europe : ce sont des ateliers de misère dans lesquels l’exploitation sévit et les abus sur les employés sont systématiques. Ils travaillent dans des conditions sanitaires alarmantes en s’exposant à des produits chimiques nocifs pour la santé. Ainsi, de nombreux salariés en Europe sont contraints à effectuer des heures supplémentaires afin de gagner suffisamment d’argent pour vivre.

L'exemple des sweatshops à Leicester, Grande Bretagne

En Grande Bretagne à Leicester, se déroule un scénario irréel : près de 10 000 personnes travaillent dans des conditions semblables à de l’esclavage moderne. Leicester abrite environ 1500 ateliers textiles. Dans cette ville qui nourrit la fast fashion, les travailleurs et couturiers touchent la moitié du salaire minimum : ils sont payés 3 livres et demi de l’heure, une pratique contraire à la réglementation en vigueur qui stipule que le revenu minimum est de 8,72 livres pour les salariés âgés de 25 ans et plus. Des enseignes en pleine expansion telles que Boohoo et Pretty Little Thing s’approvisionnent dans ces ateliers pour réduire leurs coûts de production et évincer la concurrence. Mahmud Kamani est le fondateur de Boohoo, il possède également Nasty Gal, Pretty Little Thing et MissPap. Les vêtements de ces enseignes sont disponibles à des prix dérisoires et affichent l’étiquette « made in UK » sans pour autant garantir le respect des travailleurs. Sur ces sites internet, on retrouve des robes à 9 euros, des pantalons à 8 euros, des vestes à 7 euros,… Leicester jouit d’une certaine proximité avec les marques, contrairement aux usines chinoises par exemple. En effet, les vêtements sont plus rapidement acheminés à destination et le coût du transport est moindre.

A l’intérieur des usines, les conditions de travail sont tout autant préoccupantes: le chauffage n’est pas allumé, les journées de travail dépassent largement le maximum fixé par la loi, elles vont jusqu'à 14h par jour. Les employés travaillent selon les commandes: s’il n’y a pas de commande, les salariés doivent rentrer chez eux et ne bénéficient pas de compensation monétaire pour la journée de travail perdue. Les employés sont victimes de fraudes aux congés payés et sont forcés à venir travailler lorsqu’ils sont malades. De nombreuses études de Labour Behind The Label se sont penchés sur ce cas et ont confirmé ces pratiques illégales à Leicester. Selon Labour behind the label, plus de 33,6 % des travailleurs à Leicester sont nés en Inde, au Pakistan, au Bangladesh, en Europe de l’Est ou encore en Somalie. Dans cette étude, on comprend que les travailleurs acceptent ces conditions de travail laborieuses car ils n’ont pas le statut de résident documenté. Ils ne dénoncent pas ces pratiques car ils craignent d’être la cible d’une enquête qui pourrait éventuellement déboucher sur une expulsion.

D’ailleurs, la ville de Leicester a été accusée de contribuer à l’accélération de la pandémie du COVID 19 puisque les ateliers sont restés ouverts pendant le pic de l’épidémie, et les salariés n’ont bénéficié d’aucune mesure de protection. Labour Behind the Label affirme qu’environ « 75 à 80 % de la production textile de Leicester» fournit Boohoo, PrettyLittleThing et Nasty Gal. De plus, l’association assure « avoir collecté des informations selon lesquelles on a demandé aux gens de venir au travail même s’ils montraient des symptômes du Covid-19, sinon ils perdraient leur poste ». Lorsque Boohoo a été confronté à ces accusations, l’entreprise s’est dite «horrifiée». À la suite du scandale, Boohoo a réduit son nombre de fabricants afin de mieux surveiller sa chaîne d’approvisionnement.

Comment éviter les pièges ?

Le shopping éthique peut rapidement se transformer en casse-tête. Comment éviter de se faire avoir par les discours vendeurs de certaines marques ?

1. Les prix bas

Les marques de fast fashion qui vendent des articles à très bas prix sont souvent celles qui surexploitent leurs salariés. Si vous voyez qu’une marque propose des vêtements “made in UK” à prix étonnamment bas, il est fort probable que les conditions salariales soient illégales. En tant que consommateurs, nous devons nous tourner vers des marques transparentes au sujet de leur chaîne de production.

2. Le “made In Europe” qui reste vague

Les marques qui précisent sur leurs produits “Made In Europe” sans spécifier le pays de fabrication exact sont douteuses. Une marque qui n’a rien à se reprocher dans le processus de production communiquera volontiers le pays spécifique de fabrication et sera transparente en montrant les coulisses sur les réseaux sociaux par exemple.

3. Le fameux “Pensé à Paris” sans spécifier le pays de fabrication

Plusieurs marques imaginent leur design et font leurs prototypes en France car cela permet de donner vie facilement aux pièces qu’elles ont en tête puisque les rectifications peuvent se faire sur place. Aujourd’hui encore, beaucoup de marques spécifient le pays où la pièce a été pensée sans spécifier le pays de production, ce qui porte à confusion !

4. Le nombre de collection par an

Si vous remarquez que les collections sont excessivement renouvelées (par exemple, plusieurs collections par mois), soyez méfiant. La mode éthique pousse à consommer de manière modérée et freine l’achat compulsif. Renouveler ses collections sans cesse implique forcément une dégradation de l’environnement encore plus rapide due à la haute consommation en énergie.

5. Le manque de transparence dans la page “A propos”

La page “à propos” d’une boutique en ligne énumère les valeurs de la marque, ses objectifs, le pays de fabrication et les matières utilisées en toute honnêteté. Certaines marques vont jusqu’à dévoiler les prix de fabrication et leurs marges afin de mettre le consommateur en confiance. Si vous devez écumer les sites internet à la recherche d’informations délibérément dissimulées pour connaître le pays de fabrication des vêtements, c'est très mauvais signe.

6. La phrase “Nos ateliers” utilisée par les jeunes marques 

Lorsqu’une jeune marque fabrique dans différents pays en affirmant que ces ateliers lui appartiennent, il y a anguille sous roche. Une jeune marque fabrique généralement dans un seul pays et ne peut pas détenir un atelier aussi tôt. Il s’agit souvent de la sous-traitance et non pas de leurs propres ateliers.

Et vous ?

Vous attachez-vous aux conditions des personnes qui fabriquent vos vêtements ? Quels sont vos tips pour choisir les marques chez qui vous achetez ?

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